Revue de presse

"Cimetières : faut-il mettre au carré les carrés confessionnels ?" (Marianne, 21 juil. 22)

23 juillet 2022

[Les éléments de la revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]

JPEG - 68.2 ko

"Il fallait une polémique pour que les cimetières se rappellent à notre bon souvenir. Dernièrement, ces lieux du repos éternel sont devenus le théâtre de vives querelles juridiques et idéologiques. Un ancien conseiller municipal (sans étiquette) de Voglans (Savoie), Marcel Girardin, a saisi la justice pour contester une partie de la circulaire du 19 février 2008 relative à l’aménagement des cimetières et aux regroupements confessionnels des sépultures. « Une action citoyenne » aux yeux de cet ancien élu qui veut lutter contre le « séparatisme » qui sévirait chez les morts. Il estime que ces « carrés » sont une atteinte à la laïcité : « On nous parle en permanence de vivre-ensemble, alors que certains refusent de reposer ensemble, argumente Marcel Girardin, agacé. Il est un peu hypocrite de parler d’intégration tout en demandant la séparation. » Le Savoyard goûte peu aux accommodements raisonnables : « À force, on détricote la loi ! »

Appelé à examiner la requête en annulation de deux chapitres de ladite circulaire, le Conseil d’État a jugé, le 15 juillet, la demande irrecevable, Marcel Giradin ne justifiant pas d’un intérêt pour agir. Le sujet semble embarrasser les pouvoirs publics. Contacté, le ministère de l’Intérieur affirme n’avoir aucun chiffre concernant le nombre de regroupements ou de cimetières confessionnels. Pourtant, depuis la loi du 14 novembre 1881, dite loi sur la neutralité des cimetières, les espaces funéraires ne manquent pas de réglementation. Depuis 1975, trois circulaires ont conduit à encadrer les pratiques, à convaincre les maires de faciliter les inhumations selon les rites et à interdire la séparation matérielle – avec des murs par exemple – selon les religions. Autrement dit, les « carrés » ont été remplacés par les « regroupements » confessionnels, des espaces réservés selon les rites et non clos. Les cimetières confessionnels n’étant plus autorisés par la loi, ils demeurent, mais ne peuvent être étendus.

Reste la question de la place. La demande est importante, notamment chez les musulmans. Selon le Conseil français du culte musulman (CFCM), en France, 80 % des défunts immigrés originaires du Maghreb se font enterrer dans leur pays d’origine. En 1997, d’après Bernard Godard et Sylvie Taussig, auteurs du livre les Musulmans en France. Courants, institutions, communautés : un état des lieux (Robert Laffont, 2007), ils étaient 95 % à suivre cette logique du retour. Les rapatriements se réduisent, le nombre de défunts augmente et, mécaniquement, la question des carrés confessionnels se pose avec plus d’acuité. [...]

QUAND LE SÉPARATISME RÉGISSAIT LES CIMETIÈRES

La loi du 14 novembre 1881 sur la neutralité des cimetières est née d’un drame, l’affaire dame Tamelier. Cette dernière était venue soigner sa vieille mère à Ville-d’Avray. En décembre 1869, la jeune femme décède. Comme elle était de confession protestante, le curé refuse qu’elle soit enterrée dans le cimetière communal réservé aux catholiques. L’affaire remonte jusqu’à l’évêque, qui soutient le curé. On propose aux parents de l’inhumer dans la partie du cimetière réservée aux suicidés, la famille s’y oppose. Le corps de la jeune femme reste dix-huit jours dans la cabane du jardinier, le temps que soit interrogé le préfet de Seine-et-Oise. Celui-ci considère, trois décennies avant la loi de 1905 sur la séparation des Églises et de l’État, que l’inhumation demandée n’est pas possible. Finalement, dame Tamelier fut enterrée au cimetière de la ville voisine de Sèvres. L’émotion suscitée par cet événement fut vive. Des parlementaires et les représentants des cultes protestants interpellent les pouvoirs publics face à cette situation inacceptable. L’affaire aboutit à la loi du 14 novembre 1881, qui met, notamment, fin aux murs entre les tombes et, plus largement, à toute séparation matérielle des regroupements confessionnels dans l’espace.

"

Lire ""Séparatisme" de la mort : faut-il légiférer sur les carrés confessionnels dans les cimetières ?"



Comité Laïcité République
Maison des associations, 54 rue Pigalle, 75009 Paris
Voir les mentions légales